Cette semaine c’est Sébastien DUMONT de l’observatoire Diocésain des Réalités Écologiques, d’ Oeko-Logia, et du service diocésain de l’œcuménisme qui nous accompagne dans cette Pause carême.
Nous revenons aujourd’hui à l’Evangile selon Saint Mathieu. Jésus est à Jérusalem désormais. Il s’adresse aux grands prêtres et aux anciens du peuple avec cette parabole.
Il s’agit d’un homme qui est propriétaire d’une vigne. Le soin qu’il y apporte avant de partir, la fabrication d’un pressoir par exemple, montre qu’il en attend du fruit. Cette vigne est louée à des vignerons. Il y a donc naturellement le paiement d’un fermage. Mais les vignerons veulent tout garder pour eux. Le conflit porte sur le partage des fruits de la vigne.
Par deux fois, le maître envoya des serviteurs, et par deux fois ceux-ci subirent la violence des vignerons et furent tués. Si le maître décida alors d’envoyer son fils seul, c’est car il espère la fin de la violence. Il se soucie moins de récupérer son dû que de rétablir une relation avec ses locataires. L’envoi de ce fils peut être regardé comme une démarche de réconciliation ultime de la part du propriétaire. Les vignerons font alors preuve d’un calcul irrationnel, puisque le meurtre du fils ne leur permettra pas d’accéder à l’héritage de toute façon. Il y a là comme un enfermement dans la violence meurtrière motivé par le gain mais irrationnel quant au but. Tout est bon pour tuer. Il n’y a pas de limite à cette violence qui veut tout posséder, même si elle est inefficace. Ce déferlement de violence sans limite n’est pas sans rappeler ce que dit le pape François dans Laudato Si au §105 :
« L’être humain n’est pas pleinement autonome. Sa liberté est affectée quand elle se livre aux forces aveugles de l’inconscient, des nécessités immédiates, de l’égoïsme, de la violence. En ce sens, l’homme est nu, exposé à son propre pouvoir toujours grandissant, sans avoir les éléments pour le contrôler. Il peut disposer de mécanismes superficiels, mais nous pouvons affirmer qu’il lui manque aujourd’hui une éthique solide, une culture et une spiritualité qui le limitent réellement et le contiennent dans une abnégation lucide. »
Le thème de la pierre rejetée issu du Psaume 118 peut être entendu alors comme la proposition aux vignerons de la part de Jésus d’une spiritualité qui permette de prendre conscience que les forces aveugles de la violence sont vaines et qu’il faut entrer dans une abnégation lucide à l’image de Jésus, qui donne sa vie librement.
Avec ces versets tirés du Psaume, la dimension allégorique de la parabole apparait clairement. Jésus est identifié au fils du propriétaire et à cette pierre d’angle. Jésus en faisant appel aux Ecritures, montre que son rejet va se transformer en le triomphe de la résurrection. En cela ce texte du psaume prolonge la parabole qui ne parle pas de résurrection.
Le verset 34 de l’Evangile, « quand arriva le temps des fruits » peut être ainsi entendu comme un appel à la conversion : le temps du salut approche et chez Mathieu, produire du fruit, c’est avoir une foi en acte.
On peut noter aussi que le fils est emmené et tué hors de la vigne, comme Jésus le sera hors de Jérusalem.
Pour finir, si l’on compare les versets 41 et 43, pour identifier les termes de l’allégorie dans la parabole, la vigne c’est le Royaume de Dieu et non Israël, qui ne peut être donné. Israël reste Israël. La vigne est enlevée aux vignerons, que sont les grands prêtres et les anciens du peuple, et donnée à une nation qui produira du fruit. L’identification de cette nation n’est pas évidente, mais ce que l’on peut retenir, c’est que la vigne n’est plus louée, qu’elle est donnée à cette nation, car ce qui était en jeu avec la vigne, ce n’était pas tellement le partage du fruit, mais la production de fruits, la relation entre le maître et les vignerons, et la fin de la violence. Et désormais seule la mort et la résurrection de Jésus peut neutraliser cette violence.